Pyries d'Obsidienne

Earon. La Capitale du Sud est taillée dans la majesté d'une pierre blanche et grise, souveraine, pure, que son architecture sévère rend plus morose en Hiver. Perchée sur un à-pic rocheux, à l'extrême Est des Montagnes brumeuses, la ville est souvent traversée de nuages qui se déchirent contre ses tours, ses remparts et ses faces livides...
Humide, raide, glaciale. La Capitale est aussi chaleureuse que peut l'être une dictature.
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La muraille qui cercle la ville est grande, épaisse, menaçante... Mais bien moins que ce qui se dresse au sommet de cette Capitale ; construite en de hauts paliers, aboutissant sur le vaste domaine de l'Empereur et de sa Bibliothèque.
Ce Château est à la hauteur de sa mégalomanie et de celles de ses prédécesseurs. L'ouvrage à de quoi impressionner et même intimider.

Ici, les étrangers sont très mal vus et mal venus. -Les habitants sont aussi pâles que leurs maisons, aussi abattus que leurs tenues est noire, sans fantaisie. Ceux qui vous regardent le feront avec crainte ou mépris...-
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Le soleil se lève, il perce péniblement le brouillard givré qui fige ce monde et peine à l'extirper de sa nuit. Un vent souffle dans les rues, une respiration qui vous crispe au fond de vos entrailles.
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Dans sa chambre au Temple Majeure, collé au Château de l'Empereur, Havus s'éveillera sous sa couverture -chauffée de sa présence endormie-. Une cloche tinte sinistrement dans le lointain, au-delà de la fenêtre qui s'éclaire d'une lueur timide et grise...

La pièce qu'il habite fait un peu plus de dix mètres carrés. Il dispose d'un lit, d'un petit âtre, d'une tablette rehaussée d'une vasque d'eau fraîche, d'un savon ainsi que d'un miroir. Sur l'un de ses quatre murs de pierre, se soutient un bureau et une chandelle éteinte la veille... une boite d'allumettes et le reste de ses maigres effets qui sont stockés dans un coffre à son pied.

La journée devrait commencer comme toutes les autres... Un temps dédié à la toilette dans un espace commun du bâtiment, un moment pour la Mère, un autre pour le protocole de l'Inquisition et les missions associées... Ainsi que le repas, la prière, les éventuels jugements ou interrogatoires...
Mais ce matin ne peut pas être comme les autres. Il est forcément différent, puisque le Destin s'en mêle.

Havus est un Homme peu intéressé par la paperasse administrative qui tient certains de ses semblables dans de vastes salles, enchaînés à la lecture des Dogmes qui ont été bafouées par l’accusé, dédié à rendre visite aux prisonniers plus ou moins frais qui doivent encore confesser ou dénoncer ? Il est un Homme de terrain, enflammé par la traque de l'hérésie plutôt qu'à la juger, déjà attrapées ?
Si ce n'est pas le cas, il devra pourtant se secouer.
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Au-delà des évènements majeurs ayant amenés le Sud à se vider de son Armée pour conquérir le Nord et la relève des Morts qui a resserré les entraves ; augmenté le nombre des buchers funéraires, cloisonné les habitants dans un règlement strict afin d'empêcher tout mouvement de panique et dressé l'humanité à contenir ceux qui reviennent après le trépas... Il y a cette étrange sensation qu'il a pu sentir dans les couloirs du Temple et ceux des Administrations.
Havus sent ses frères de confession moins bavards, plus chuchoteurs sous leurs capes noires... Il y a comme un non-dit qui commence à se répandre dans l'obscurité et qui pourrait le ronger de questions...
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Trois coups à sa porte.
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Si Havus ouvre, il trouvera le visage d'un Prêtre.
"Inquisiteur Jiel, le Maître Inquisiteur Ronhol vient de se présenter à la Capitale et au Temple. Il demande à vous rencontrer sur le champs dans la Chapelle Est."
Ronhol... Ce nom ne lui dit surement pas grand chose mais la position hiérarchique de son rang le l'enjoint pas à refuser l'appel... -à moins de tenter d'évoquer une raison valable ? Il peut bien tenter-.

Si tôt l'annonce faite, le Prêtre quittera le pallier -sauf si on le retient d'une question ou... d'un geste-.

Les rêves ne sont pas 'toujours' prémonitoires et les évènements qui font trembler le monde agitent les nuits de ceux qui ont la charge de maintenir l'ordre, de traquer toute forme de chaos. Havus ressent cette pression malgré le calme que la population a en partie retrouvé... La relève des Morts est fermement contenue, les forces armées de la Capitale sont aux aguets et l'Inquisition veille à tenir les esprits dans le droit chemin.
Les Temples sont remplis de pèlerins et de fidèles en recherche de pénitence, réclamant la Mère qui les Protèges et les serre, les retient du Péché et les empêche de s'égarer...
Mais le rêve de Havus a de quoi alerter. Chassant ce songe annonciateur de chaos et de malheur, l'Inquisiteur se rafraîchit dans l'eau de sa vasque ; il boit, se refroidit et quitte sa chambre...
En chemin vers les bains, il ne croise que des ombres silencieuses au salut protocolaire. Subissant cette ambiance depuis plusieurs jours, il est en droit de se demander quel secret ne lui a pas été révélé, quelle paranoïa touche ses frères et sœurs... s'il en est une.
Serait-ce la guerre au Nord ? La menace Nécromante ?
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Frustré et encore embrumé par ce rêve qui n'a de cesse de s'accrocher, l'Inquisiteur retourne à sa chambre et accueille le Prêtre messager d'un mouvement un peu brutal.
L'homme de foi ne s'offusque pas. Si tôt son annonce faite, il quitte le pallier et laisse Havus rejoindre ce rendez-vous qui l'attend.
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Les couloirs du Temple se percent en arches à son flanc, diffusant le gel matinale qui fouette sa chair et chasse la tourmente de sa nuit. Sa bure ne le couvre pas assez pour résister au froid, mais contourner le cloître ne sera pas long. Après une marche épaisse et lisse, il pousse une lourde porte en bois et se présente dans un réduit lacéré de vitraux ternes, remplis de bancs alignés devant un petit autel.

La vieille odeur de poussière de pierre et de bougie consommée flotte toujours dans l'air... L'ambiance est presque brumeuse, opaque mais saine. Dans le fond, vers le piédestal entouré de petites flammes silencieuses, une homme est assis en prière.
Autour de la porte qu'il traverse, Havus remarque deux hommes en bure noire, capuchon plongeant leurs visages dans l'ombre. Ils le salueront dans le calme et lui indiqueront -s'il le faut- la présence de celui qui l'attend dans le fond.
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Havus devra remonter la courte allée principale. Si tôt qu'il est assez près -au niveau de la dernière ligne des bancs de bois sombre- le Maître Inquisiteur relève le front et ouvrira enfin les yeux. Dévisageant l'effigie de la Mère taillée devant lui, il dit :
"La perte de confiance est une introduction à l'effondrement." Son visage se tourne vers Havus et -s'il n'a pas déjà pris place à son flanc contre l'assise-, Ronhol l'invitera d'un geste tranquille.
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La face de ce Maître Inquisiteur est assez singulière mais pas originale ; parmi les plus plus investis d'entre eux. Ils finissent par arborer les marques et les cicatrices du Péché qu'ils extirpent et éradiquent. Ceux-là sont les plus craints et trempent dans une forme d'Inquisition dévastatrice.
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"J'ai entendu parler de vous Inquisiteur Jiel.

L'Inquisition a besoin d'âmes et bras tels que les vôtres, prêts à tout pour faire respecter les Valeurs de la Mère et... instruire celui qui se tourne vers l'orée du bois."
Son œil unique le fixe et le sonde, vibrant d'une minuscule lueur dansante au reflet d'une flamme dévote -bourdonnante au milieu de ses sœurs dans présentoirs de fer-.