Le duo s'est éloigné, suffisamment pour ne pas être entendu ou vu; ce qui signifie que cet aparté se tient également hors de ce qui se joue de l'autre côté.

L'entretient privé s'envenime et il suffira d'un coup de poing poussé à pleine puissance pour le clôturer.
Le visage de Fordred est à la limite de la plaie hémorragique... cette frappe a fendue ces lèvres; celles qui en disaient trop ou de manière assez peu subtile et convaincante.

Ysmène est une femme de caractère, certes, mais elle est surtout un 'rôle'. Élevée depuis toujours dans la vision de grandeur des Nocturnes, dans la hiérarchie et le système des Ruches... Chose que Fordred ne sait pas. Donc l'ignorance paie probablement le poids et le choix de ses mots. Ce n'est pas un 'vulgaire' humain -même pas un serviteur-, qui saura la convaincre avec une 'leçon de morale' sur la futilité de la 'vie éternelle'... -Quelle la convoite ou non, Fordred ne fait qu'une supposition ?-
On peut probablement dire que c'était bien tenté. Mais la chance pour qu'un déclique se fasse chez sa partenaire de cette manière, restait faible.
Preuve en est.

Fordred rétorque d'une pique avant de se terrer, blessé.
Il s'enfonce entre les bibliothèques et les hauts paravents, qui font sillonner le visiteur dans différents espaces d'études plus où moins dévastés -par le temps ou un évènement chaotique indéfinissable au premier coup d’œil-.
Il s'arrêtera dans une zone triangulaire jonchée de parchemins brouillés et de quelques liquides renversés. Au centre, un piédestal retient une boule de cristal au contenu flou... comme si un nuage blanc y était enfermé. S'il s'approche de l'objet, sa couleur deviendra grise, foncée.
La boule fait une dizaine de centimètres de diamètre et dégage une aura magique légère et oscillante, qui ne semble pas dangereuse.

D'un autre côté, qu'Ysmène revienne sur ses pas ou reste en place, elle ne croisera que Klotar et la prisonnière au front bas. Le blond tient le visage et l'expression fermée, avançant entre les rangs de bois d'un pas tranquille. Lorsqu'il croise la paladin il la détaille de bas en haut et dira :
"Si tu cherches Zah'a il est allé par-là..." D'un mouvement du visage il indique une direction un peu hasardeuse, semblant pointer vers l'amas de tubes en verre au centre de la salle.
"Tu voudrais pas récupérer 'ça' ? J'suis pas payé à garder les chiens..." Il tendra la chaine en direction de la paladin, fronçant les sourcils d'un air sérieux.
La déviante, elle, lèvera le regard sur l'autre femme; entre les lignes droites et lourdes de ses cheveux noirs et qui lui coulent du front.

Sous l'effet de la colère, Ysmène n'arrivait que rarement à retenir ses coups. Elle s'était attendue à être frappée à son tour et avait par conséquent assumé une posture de défense en levant les poings par réflexe. Mais sa frappe avait été d'une telle violence qu'elle lui avait fendu une lèvre. En dépit de sa grande irritation, la paladin avait le sentiment d'avoir agi avec excès.

L'arrogance de Fordred l'avait fait sortir de ses gonds. Elle avait cette impression que cet homme se permettait de dire et de faire n'importe quoi depuis leur première rencontre. Il semblait n'y avoir aucun filtre entre ses pensées et ses paroles, sauf que des mots mal choisis pouvaient blesser.

Toutefois, leur travail d'équipe avait manqué de changer sa vision du balafré. Si elle mettait de côté le manque de courtoisie et de subtilité de cet homme, elle avait senti que sympathiser avec cette personne n'était pas impossible. Peut-être que cet homme avait un bon fond et qu'elle aurait dû l'écouter. Cependant, ce dernier était encore tombé plus bas dans l'estime de la protectrice du Sang.

Elle canalisa de toutes ses forces sa rage pour ne pas le frapper de nouveau pour son insolence. Son seigneur avait été comparé un ver, à un vulgaire parasite et sa loyauté avait été une fois de plus cracher dessus. Si Fordred n'était pas parti assez vite, Ysmène se serait déchaînée sur lui.

L'apparition de Klotar et de la prisonnière ne détendit pas la combattante. Au contraire, elle leur adressa un regard noir, empli de fureur. Le blond avait vraiment choisi le mauvais moment pour se manifester. Ysmène songea à ignorer sa demande, mais il avait eu l'amabilité de lui dire où se trouvait le Sang pur avant d'énoncer sa requête.

"Donne-la-moi." Ordonna-t-elle en lui arrachant la chaîne des mains. Elle irait ensuite dans la direction indiquée pour retrouver le Premier né. Pendant la marche, elle effectuera des exercices de respiration afin de calmer son esprit bouillonnant.

Spoiler:

Fordred se rapproche de l'orbe.
En l'état, aucun parchemin n'attirera plus ou moins son attention... Tout n'est que brouillons, schémas, prises de notes en pattes de mouches et bavures. Des éléments éparpillés qui demanderaient d'avantage de concentration pour essayer d'y voir clair en triant, décryptant, rassemblant ? -en encore, il faudrait probablement des mois pour espérer en tirer quelque chose ?

Au plus simple et mystérieux, il y a cette boule de cristal sur pilier.
Lorsque l'humain s'approche, sa composition intérieure et opaque se teinte.
Elle s'affirme lorsqu'il la touchera.
Et sa vision noircie.
Fordred devient aveugle.
Mais il garde le contrôle de son corps. Pendant un très bref instant, sa vue lui est empêchée. Suite à ce voile, une impression éthérée lui vient; comme s'il rêvait en toute conscience de ce nuage opaque qui 'vie' dans l'orbe. -Le mage a les yeux ouverts et tant qu'il garde sa main sur la courbe, sa vision sera attachée à elle. S'il relâche le contacte, il retrouvera sa vue hors d'elle.-

Si Fordred tient sa main en place sur la surface lisse et froide du cristal son 'rêve' persistera, en lieu et place de la vision du laboratoire.
Pendant un moment la vision se chahute; comme un mouvement dans la brume fait ondoyer les volutes qui finissent par ralentir et s'immobiliser. La magie qu'il sent est faible. Elle ne demande qu'à se briser. Pour sûr, cet objet est ancien et usé... il met du temps avant de dévoiler son utilité, comme un vieillard cabotine à l'entrée d'une porte... la porte de son esprit.

Enfin. Des taches d'encres apparaissent, flottantes comme des serpents, filandreuses, avant de former des lettres. Devant lui, la magie grésille et propose : 'Alchimie', 'Potion', -le mot 'potion' a eu beaucoup de mal à se former, et le dernier ressemble à un souffle d'agonie- 'Nature'.
Fordred peut lire ces mots dans son esprit. Mais s'il fixe son intérêt sur un thème, alors la brume changera à nouveau.

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De son côté, Ysmène fulmine mais elle retient son explosion.

Klotar lui laisse la chaîne de la déviante; elle suivra l'humaine sans dire un mot. Le mercenaire observera ce double départ en quête de Zah'a, laissant le poids de son regard peser au niveau des reins de la paladin, sourire en coin...
Il marchera entre les étagères et les pans de bois, zonant un instant seul, la démarche molle en spectateur.

Ysmène trouvera rapidement le centre du complexe. Elle n'a qu'à suivre les sommets de 'tubes' qui se dressent en ilot au-dessus de tout. Là, sur une zone circulaire assez large, elle peut enjamber quelques 'boyaux' qui serpentent contre les dalles. Chacun quitte le socle de métal central et ses tubes de différentes tailles, pour s’éparpiller en tentacules de diamètres variés. Tous ces tuyaux brunâtres ont une texture assez dérangeante. On ne saurait clairement dire de quoi ils sont faits, mais à première vue... on les croirait issus du vivant, tant par leur forme que leur matière. Certains sont rabougris, renflés, secs et cassants, d'autres sont gonflés et laissent une impression sale, une intuition malade...

Zah'a se trouve au pied d'un tube haut et large. Il est monté sur la plateforme de métal voûtée pour venir toucher le verre courbe; rempli comme les autres d'un liquide non identifiable et de couleur peu engageante.
Le Sang-pur laisse ses doigts glisser sur la paroi froide, comme s'il allait l’enlacer... Mais il reste droit, bras écartés et suivant la ligne arquée du large tube. Il a senti les présences de sa Protectrice et de la Déviante. Mais il les ignorera dans un premier temps.
"Il y avait tellement à faire à l'époque... C'était un âge un d'or..." Souffle-t-il en laissant finalement retomber son regard contre le verre, laissant ses penser revenir à la surface de la réalité.

Il se tournera vers Ysmène et descendra de son 'perchoir' pour se rapprocher de la Déviante enchainée.
"Demande à la prisonnière de relever la tête, que je vois son visage..." Dira-t-il en tentant de distinguer la peau de la brune entre ses cheveux lourds. Si Ysmène commande à la Déviante elle fera ce qu'elle lui dira de faire.
"Bien. Demande lui d'ouvrir la bouche ?"
Si l'exécution se fait, la prisonnière déliera les mâchoires pour montrer ses dents, sa langue et l'intérieur de ses joues.
Zah'a reste légèrement penché vers elle. Il oscille doucement de droite à gauche pour détailler cette gueule ouverte d'un air froncé, le nez plissé :
"Pas de taches... aucun signe avant-coureur de dégénérescence ?..."
Le Premier-né fera mine d'inspirer profondément tout en redressant l'échine, croisant un bras sur son torse pour soutenir une main vers son menton.
"Ysmène.
Cette déviante que tu vois là doit devenir un Sang-noir. Nous devons tout faire pour qu'elle dégénère rapidement..."
La prisonnière relâche la tension de ses mâchoires ouvertes, ce qui amènent ses lèvres à se rapprocher d'un air plus désespéré, augmenté d'un œil fixe sur le Sang-pur qui la condamne encore :
"Pitié, Père..."
Le regard de Zah'a se révulse et il fera volte-face. Pas un instant il ne croiser les yeux de la prisonnière.

"Je ne peux ni lui parler ni lui ordonner, cette Déviante n'est pas ma Fille. Mène-là dans une geôle... Je ne sais pas... Rah !"
Soupire-t-il d'un souffle forcé.
Lio va te guider.
Lio ?!" Appelle-t-il.
La brume noire se détache d'entre les hauts tubes rassemblés et rejoindra Ysmène.

Ysmène était parvenu à retrouver un semblant de calme lorsqu'elle retrouva Zah'a. Ses pensées n'étaient plus occupées par sa dispute avec Fordred, mais par le futur travail que lui conférerait son seigneur, si ce dernier avait besoin de son aide. Elle resta en retrait, immobile et silencieuse, jusqu'à ce que le Premier-né descende enfin d'une plateforme de métal.

La paladin acquiesça de la tête à la demande de son maître avant d'ordonner à la prisonnière de lever la tête. La déviante se montra étonnamment docile, car elle s'était soumis sans opposition à tous les ordres de la templière. Ysmène, qui se demandait, depuis son arrivée au temple, quelle était l'utilité de l'esclave, finit par obtenir sa réponse.

Un 'Père' sacrifiait sa propre 'Fille' pour ses sombres expériences. La protectrice du Sang avait pitié de la prisonnière. Elles étaient semblables d'une certaine manière, deux femmes qui ressentaient de forts sentiments à l'égard d'une même personne, qui ne les voyait peut-être que comme des outils.

Terrible était le destin qui attendait la nocturne. Personne ne rêvait de devenir une bête dénuée de raison et assoiffée de sang. Cette pitoyable créature n'attendait pourtant que de l'amour ou un peu d'attention. Mais Zah'a était le pire des pères qu'elle aurait pu avoir, car il suffisait de voir le dégoût que le mot 'Fils' lui procurait. La déviante n'obtiendrait jamais ce qu'elle souhaitait.

Ysmène ne laisserait pas attendrir par le désespoir de la captive et ne ferait rien pour l'aider. Au contraire, elle accomplirait les ordres du Sang-pur sans se poser de questions. Elle surveillera d'un œil méfiant Lio, mais elle laissera la brume la guider.

compétences:

La formulation du 'mot' dans l'esprit de Fordred suffit à modifier le nuage de l'artéfact. La vision du mage se noircit à nouveau tandis qu'un savoir lui est offert -un condensé d'information qui se déroule telle une science connue dans sa mémoire- comme s'il se souvenait soudain d'avoir lu ou appris l'Alchimie .
La boule de cristal le 'relâche' sans qu'il ne l'ai demandé et le laboratoire reprend place autour de lui... L'objet étrange sur le socle est alors 'vide', il n'est plus qu'une simple sphère de verre translucide.
Il semblerait que l'impression du mage soit la bonne. Cette boule est -était- un moyen d'accéder rapidement à des connaissances, d'ordinaire manuscrites. Elles se projetaient ainsi à la demande dans les esprits des scientifiques du laboratoire, sans perte de temps ni trop d'efforts en recherches et décryptages... Néanmoins, l'artéfact est épuisé. Sa magie a fini par s'étioler et se dissiper.
Mais Fordred n'a que peu le temps de s'émerveiller et de fouiller dans sa mémoire cette connaissance soudaine. Dans cette vaste salle circulaire et compartimentée, il entend Zah'a appeler Lio. La voix du Premier-né raisonne un instant et lui indique une direction à prendre... Le mage pourra remonter les chemins arqués autour de l'ilot de fer et de verre, afin de trouver le groupe... sans Klotar.

De son côté Ysmène a fait tout ce que son 'maître' lui a ordonné. Elle comprend désormais que le Sang-pur sans 'fils' a engendré une orpheline pour mieux expérimenter quelques sombres desseins. Légèrement troublée à l'idée de faire souffrir cette fille qui lui est étrangère et qui se soumet au bout d'une chaîne de métal noire, la paladin s'exécute sans se remettre en question. Lio apparait et rejoint la Protectrice pour la guider là où Zah'a le demande...
Fordred se montre. Et si le mage n'a rien de particulier à dire ou faire pour retenir ce petit cortège, alors Ysmène pourra s’éclipser.

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Lio n'émet aucun son. Sa brume compacte se glisse entre les pans de bois et émettra une faible lumière au moment de rejoindre le contour de la salle. De ce côté-ci, quelques escaliers s'enfoncent dans un passage sous arches croisées. L'obscurité y règne et se fera de plus en plus dense à mesure que la clarté de la pièce à l'étage se masque dans leur dos.
Le chemin dallé est large de quatre mètres pour une hauteur de trois. La paladin y avance sans peine, trainant sans effort la déviante qui sanglote et tremble... Devant elles, le nuage noir de Lio pulse ses embrasements aux rythmes lourds de quelques battements. La clarté orangée qui émane du centre révèle le réseau d'ombres de ses artères et de son cœur, figés au milieu d'une tourmente de brumes déchirées et qui permet de libérer sa lueur vers l'extérieur.
Le parfum qui flotte est ancien... C'est un mélange léger, une sorte de résidu collé aux murs et qui s'en détache au chahut d'air de ceux qui passent ; de la poussière de pierre, une odeur cuivrée, ferreuse et mort ancienne.

Aux murs qu'ils longent sur quelques mètres, des portes de métal s'étendent. Et ce spectacle sera probablement surprenant. L'on a d’avantage l'habitude de voir des portes de bois, plus ou moins bardées ou cloutées... des passages bloqués de barreaux... ou des pans de murs sur pivots -plus compliqué, mais ça se fait-. Ici, les portes ont l'air de plastrons... Ce sont de hautes plaques de cuivre, rivetées avec un rectangle fermé à hauteur d'homme...
Lio s'arrêtera devant l'une d'elle, ouverte, tandis que le couloir continu de s'enfoncer plus loin.
Dans cet espace réduit de quatre mètres carrés, il n'y a ni fenêtre ni paillasse. Les murs qui encadrent cette 'geôle' sont haut de cinq mètres... ce qui semble excessif et étrange. Et lorsqu'il Lio illumine l'intérieur de la pièce, les parois de pierre sèche révèlent quelques anneaux de métal fiché dans des interstices. Le sol est piqué de taches noires mais rien n'y traine.

"Ne me laissez pas ici... Je vous en prie... Je n'ai commis aucun crime, je suis innocente..." Formule difficilement la jeune femme soudainement essoufflée par un élan de panique désespéré.

L'apparition de Fordred n'échappa pas à Ysmène, mais elle fit mine de l'ignorer et se détourna pour suivre Lio. Son seigneur serait seul avec cet homme, sans ses deux gardiens. Cette pensée n'enchanta pas la paladin, car elle n'arrivait pas à faire confiance à l'humain. Son avertissement résonnait encore dans son esprit : Ce n’est pas moi qui est à craindre. Elle aimerait le croire, mais elle n'y arrivait pas. Cependant, si son maître avait toléré sa présence jusqu'à ce moment-là, alors le balafré ne représentait peut-être pas une menace. Elle tâcherait de mettre les choses au clair après son petit 'boulot'. Maintenant que la colère n'était plus là, elle regrettait un peu d'avoir manqué de retenue.

La protectrice du Sang accompagna la créature brumeuse et tira sur la chaîne en s'efforçant d'ignorer les sanglots de la déviante. Elle ne tirait aucun plaisir dans la tâche qu'elle accomplissait, les ordres prévalaient sur les sentiments. Elle avançait avec un visage sombre et dur, sans poser ses yeux ne serait-ce qu'une seule fois en direction de la prisonnière durant la marche jusqu'à ce que le trio arrive devant la 'geôle'. Cet endroit puait la mort. Personne ne voudrait finir ses jours ici. Ysmène était une bourreau. Elle condamnait la captive à un sort pire que la mort, à une descente lente et horrible vers la folie.

"Je sais... Ne résiste pas. Tu sais comme moi que je n'aurais aucun de mal à te mettre dans cette geôle, de force même s'il le faut. Alors ne résiste pas." dit-elle, d'une voix faible, les yeux baissées, avant de traîner l'orpheline à l'intérieur de la cellule.

Ysmène n'hésitera pas à user de la violence si la déviante tente de se débattre puis lui intimera l'ordre de se coucher au fond de la pièce. Ensuite, elle fermera la porte de la cellule avant de bien la verrouiller afin que la 'Fille' du Premier-né ne puisse pas s'en échapper.

Comp:

Klotar n'est pas en vue. Au-delà des quelques corridors, formés par les pans de bibliothèque et de bois, aucune tête haute ne se détache à l'horizon, aucune autre présence audible sillonnant entre les rayonnages.

Le Mage s'avancera vers Zah'a, laissant la paladin œuvrer à ses ordres, guidée par les brumes de Lio. Le regard du Premier-Né s'accroche paresseusement à celui de Fordred. Et quand ce dernier lui adresse ses premières questions, ses yeux se pincent et un sourire léger pointe en coin :
"Du temps ?... Je ne le compte jamais vraiment."
Puis il passera négligemment la main sur son menton, effaçant ce rictus en même temps qu'une ombre lui froisse le front :
"Mais je suis assez pressé sur un projet pour devoir l'exécuter au mieux et au plus vite.
Lio attendra... Son sort patiente depuis des années, il s'en contentera."
Zah'a marque une légère pause et vient croiser les bras, laissant ses mains disparaitre derrière de longs pans de tissus brodés.
"Les Sang-noirs sont une plaie, le sort d'Asterash m'est insupportable." dira-t-il et d'une expression neutre. "La déviante doit très vite dégénérer pour que je sache étudier son 'cas' et y remédier. Si je peux aider Lovyr à récupérer les Sang-noir, alors il fera acte de raison et libérera notre Frère de sa tourmente. Sa seule 'faute' et d'avoir gâché ses Fils à la pourriture."
Il soupire avec légèreté, comme faussement las de cette incommodité. Prêt à se détourner, Zah'a reste accroché par une nouvelle demande. Ses yeux s'arrondissent face à une pique ?
Fordred lui fait remarquer que sa mémoire défaillante ne lui permet pas de se projeter dans une perfection quelconque de son expérience majeure ?
Ainsi, le Sang-pur prend le temps de se repositionner devant le mage pour répondre :
"Quel brouillon doit retenir 'chaque' détail d'une erreur ou d'une réussite pour avancer... Quelle créature de science n'a-t-elle pas reprise le travail d'un père oublié ? Pour recommencer sans base et y apporter un œil nouveau ?" Son regard sonde le sien avant d'ajouter : "Ma perte de mémoire me sera bénéfique avec Lio, j'en suis certain..." dira-t-il plus lentement, la voix presque perdue dans quelques pensées.

"Le temps, d'apprendre et de faire, à toujours compté pour les mortels. Je sais en quoi Lio est imperfectible et je sais en quoi il ne l'est pas. Nous ne nous sommes pas quitté depuis notre rencontre sur ces terres..." Enfin, la dernière question du mage fait poindre ses lèvres finement vers l'avant, retenant un sourire plus large.
"Ma mémoire m'échappe... Pourquoi je suis parti ? Peut-être que j'avais besoin d'air... Ou peut-être il y avait-il autre chose. Ça me reviendra surement." Ponctue le Nocturne, probablement amusé par cet humain qui se rend curieux de sa situation pour mieux la critiquer au regard de sa propre compréhension ?
"Et toi... Tu viens ici pour 'quoi' ? Voir un immortel s'écerveler et s'essayer à quelques vanités, pour mieux te rassurer à l'utilité de ta courte vie ?
Quel sens à tout cela, si ma propre quête n'en a pas à tes yeux."

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De son côté, la Déviante se laissera faire par les mots d'Ysmène. La jeune femme enchainée n'a pas d'autre choix que d'obéir... au delà même de la menace qui plane si elle devait s'insurger.

La guerrière refermera la porte dans son dos, quittant la geôle dont Lio a tenu le pallier. Dans le couloir, silencieux, profond et sans lumière autre que celle de la 'brume', une épaisse atmosphère semble émaner des murs, telle une angoisse...
Un frisson parcourra la nuque et les épaules de la guerrière lorsqu'elle regarde en direction des tréfonds du couloir, à l'opposé de la grande salle ronde. C'est un grésillement qui la rappellera à la réalité, si elle devait se perdre d'avantage sur cette toile de fond noir, cette obscurité du corridor rectiligne, ponctué de portes de métal et de ténèbres secrètes.
Lio se met striduler, comme une poignée de grillons enfermés dans leur boite, attendant de nourrir le reptile qui attend... Vont-ils rester là, revenir sur le pas, aller plus loin ?

Après avoir fermé la porte de la geôle, Ysmène se mit dos à la cellule, ferma les yeux puis soupira un bon coup. Elle essayait de se convaincre qu'elle n'avait pas abandonné une pauvre déviante à son propre sort. La dégénération de cette fille était indispensable pour les expériences du Premier-né. Ce sacrifice devait nécessairement servir un grand projet, un projet que Zah'a ne lui avait pas encore partagé. La paladin en était certaine, car elle avait foi en son maître. Il ne pouvait pas avoir enfermé et condamné son enfant par pur cruauté.

Et si c'était le cas, qu'il avait laissé à l'abandon sa propre fille, elle n'aurait pas d'autres choix que de vivre avec les conséquences de ses actes. Ysmène s'efforçait de conserver un point de vue neutre sur les agissements de son seigneur et serait capable de faire pire qu'enfermer quelqu'un si elle le devait. Lorsqu'elle rouvrit ses yeux, son regard erra vers les ténèbres des tréfonds du couloir. Un frisson parcourra la combattante qui se rappela à ce moment-là que Zah'a était seul. Seul avec Fordred.

Elle était tentée d'explorer le couloir pour voir là où il menait, mais elle ne pouvait pas laisser le Sang pur sans protection. De plus, ce dernier aimerait sans doute savoir que ses ordres avaient bien été exécutés. Elle tourna ses yeux vers Lio avant de lui murmurer.

"Qui es-tu exactement ?"

Une réponse de la brume l'étonnerait. Elle avait posé sa question avec la conviction qu'elle ne recevrait pas de réponse. Il y avait une connexion entre Zah'a et Lio, mais jamais la femme en armure n'avait eu l'occasion de communiquer avec ce dernier. Au fond d'elle, elle avait l'espoir d'en savoir plus sur cet être mystérieux, mais pensant qu'elle n'obtiendrait rien de lui, Ysmène n'avait pas attendu une réaction de Lio et était parti rejoindre Zah'a et Fordred.

Zah'a suivra d'un œil feignant le mage qui déambule dans la zone des hauts tubes de verre. Lorsqu'il les touche, Fordred se souvient de ce que Lio lui a montré en 'rêve'... C'était bien de cet endroit dont il était question.
Il s'explique sur sa présence, ses besoins, ses envies. Le Premier-né semble alors juger l'humain d'un regard qui retombe lourdement à ses pieds, avant de remonter vers son visage :
"Ha oui ?
'Empêcher l'énergie des Morts de regagner les Hommes'...
J'ai dis ça ?" Dit-il sur le ton de la légèreté. Ses sourcils se froncent et son visage tique en se décalant brièvement de côté. Ses yeux se perdent une seconde dans le vague, comme s'il était à nouveau victime de sa mémoire défaillante -à plus court terme cette fois...-
"Ho et bien... On peut dire qu'ici le pouvoir des Dieux semblent être atteignable. C'est un peu comme si ce Laboratoire était un lien dangereux avec la Création...
J'ai fais Lio dans la douleur et j'ai payé cher autant que lui ces expériences.

Nous avons touché au pouvoir d'Ysash... Nous avons mis des années à comprendre certaines choses et à essayer de les manipuler ensuite.

Si nous devions nous pencher sur l'énergie des Morts... je dirais que Seri avait le pouvoir de les bloquer, lorsqu'elle était présente sur le monde."
Son regard se lève une seconde vers le ciel obscure de la tour, cherchant ses mots ou à rassembler ses pensées :
"Quand Niril à fait se lever les Morts pour tricher à la guerre, Elle a mise en place une protection sur ses Créatures. Lorsque les Dieux ont disparu, les Morts sont restés prisonniers des Terres Rouges et la protection s'est montrée inefficace dès lors que Sirgul s'est levé... C'est un élément qu'on peut donc lui attribuer. Un pouvoir Divin lié à un matériel particulier...
Il y a encore 123 ans, il suffisait d'apposer le symbole de Seri sur un Homme pour l'empêcher de revenir."
Le Sang-pur fait quelques pas au hasard en fixant les dalles du sol.
---arrivée d'Ysmène---
Lorsqu'il s'arrête, il relève le visage vers Fordred et dira :
"Si tu veux m'aider avec la Déviante il faudra la faire plonger dans la démence. Elle doit devenir une Sang-noir pour que je puisse tenter quelques expériences..."

Mais lorsque Fordred évoque Klotar, Zah'a détourne soudain le visage et se met à chercher des yeux le combattant :
"Aucune idée..." souffle-t-il tout en cherchant en vain.
"Qu'il fouine... tant qu'il ne casse rien." Balaie-t-il finalement de la main avant de fixer ses yeux sur sa Protectrice, constatant que sa 'mission' est exécutée.
"Ha... j'ai oublié de te demander de ramener ses entraves... Ça attendra."

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Ysmène se rassemble et chasse quelques pensées hérétiques envers sa fidélité intangible. Elle sait de sa famille que les Premier-nés sont des êtres amoraux, pour la plupart. Ils respectent les lois qui les font survivre et qui les tournent vers leur Père, mais la vie des mortels leur parait totalement futile. La majorité des Sang-purs se désintéresse de la souffrance des 'insectes', leurs cris et leurs angoissent ne sont au mieux qu'une musique, que certain savent apprécier et que d'autres exècrent par dédain.
Il y a néanmoins des Premier-nés jugés 'pires' que d'autres par les mortels qui les servent. Il y a bien quelques fidèles bornés pour accéder à n'importe lequel de leur caprice, prêts à se trancher et à souffrir 'éternellement' pour Eux... D'autres qui les craignent et qui en redemandent, qui profitent même de cette amoralité et de ce mépris de la vie pour exécuter leurs propres folies meurtrières et curiosités morbides.
Alors qu'elle réputation a Zah'a ? Elle est probablement moins 'pire' que celle d'Andraal ou bien même de Rahal, au Sud... Zah'a est d'ailleurs assez mal vu par ses Frères, parce qu'il quitte la sécurité des Domaines, fait montre de trop d'indépendance et va jusqu'à l'hérésie en bafouant le Père qui les a 'abandonné'.

Un instant bloquée sur le pallier de la geôle verrouillée, la paladin hésite. Elle observe le fond invisible du couloir et se partage avec l'idée de retrouver son Protégé. Lorsqu'elle se tourne vers Lio, c'est pour lancer une question dans le néant. Elle lui demande ce qu'il est... et s'en éloigne dans le même temps, certaine de ne rien obtenir de cette 'brume'.
Et en effet... la 'brume' qui luit en son centre, mettant en avant les ombres d'un cœur palpitant et d'un réseau d'artère simplifié, n'émettra aucun son. Il n'a jamais communiqué avec l'entourage de Zah'a. Rares sont ceux qui l'ont vu et plus rares sont encore ceux qui l'ont 'entendu' d'une voix compréhensible... hors son 'père', 'frère', 'amant'...
Qui saurait vraiment dire ce que Lio est pour Zah'a et inversement ?

Lorsqu'elle se représente dans la grande salle circulaire et retrouve son Seigneur, la paladin intercepte l'échange au moment où il parle de faire tomber la Déviante dans la démence.

Les deux hommes semblaient discuter de la relève des morts. Ysmène avait d'abord entendu des rumeurs concernant ce fait surnaturel avant que les témoins oculaires de ce phénomène ne se multiplient. Ce problème n'avait jamais semblé important aux yeux de la paladin. Les morts vivants ne pouvaient pas être très nombreux ou une solution allait finir par être trouvée selon elle. Cependant, à la mention de Seri et de ses artefacts, elle commençait à se demander si cette histoire de relève était plus grave qu'elle ne pensait.

"Savez-vous pourquoi les morts se relèvent-ils ?" Elle avait l'impression qu'ils en savaient beaucoup sur le sujet. Quelqu'un ou quelque chose devait être forcément à l'origine de ces anomalies.

La prisonnière n'occupait plus l'esprit d'Ysmène. Elle n'avait pas encore réfléchi à son positionnement vis-à-vis de la torture. Certes, elle ne tirait jamais de plaisir dans la souffrance d'autrui, mais elle était incertaine de ses capacités à torturer quelqu'un si l'ordre lui était donné. Cependant, à cet instant, le sort de la déviante importait peu à l'humaine. A quel point la menace des morts était-elle sérieuse ?

En vérité, même si l'espèce humaine était en danger, la protectrice du Sang ne se détournerait pas de son devoir. La vie de son seigneur était toujours mille fois plus importante pour elle que celle de ses semblables.

Fordred fait décrocher le regard de Zah'a du sien. Le Sang-pur adopte une attitude de surprise, redressant l'attention et le visage dans un mouvement d'inspiration profonde :
"Ha oui..." soupire-t-il presque avec le sourire.
"L'Orbe de vie... Oui, ça me revient." Abaissant le menton, il passe ses doigts sur l'un de ses sourcils d'un mouvement anodin.

La paladin est de retour et elle est accompagnée de la 'brume', dont la clarté retombe au milieu des ténèbres de ses vapeurs déchirées. Un silence flotte légèrement avant que Zah'a n'ajoute :
"Il y a bon nombre d'artéfacts uniques dans ce monde, beaucoup sont très anciens et oubliés depuis un temps... immémoriale.
Pour ce qui est de l'Orbe..." Ses yeux se mettent à chercher parmi les lignes de bibliothèques qui forment le 'labyrinthe' de la vaste salle circulaire, au milieu de laquelle il se trouve.
"Il doit bien il y avoir un texte qui la concerne ici. Je pourrais te le trouver..." Ses lèvres se serrent et son regard se fronce avant d'en revenir à Fordred et sa question suivante.
"La Déviante est enchainée et affamée.
Ce n'est pas suffisant.
Tout au mieux, elle mourra de faim et ce n'est pas ce qui est attendu.

Les Fils et les Filles de Premier-né ne peuvent pas être libre d'esprit. Ils appartiennent à la 'ruche', à leur Père et leur sont dévoués corps et âmes. En rejetant ma... fille... j'engage un processus de dégradation qui peut prendre des années à se mettre en place.
Nous avons déjà pu observer qu'un Sang-noir se perdait plus vite lorsqu'il s'agissait pour lui de prendre des décisions, d'être confronté aux grands espaces vides que son esprit n'est plus capable de concevoir.
Un Sang-noir, face à la violence, au meurtre méthodique, à la solitude même, tombera vers la bestialité et la folie. Ma présence auprès d'elle va retenir sa chute.
Je suis son phare même si je la rejette."
La demande d'Ysmène rompt le fil de la discussion et fixe le regard de Zah'a sur le sien.
"Pourquoi ?
Parce qu'un élu du Dieu Morbide a été libéré de son sommeil éternel et qu'un charme divin a été rompu.
Les Scellés sont bien plus faibles en l'absence des Dieux qu'ils ne l'étaient en leurs présences.

Il y a au Nord un Nécromant, le Premier, qui par son éveil a levé un sort de Protection sur les Hommes." Faisant mine d'inspirer brièvement, il se repositionne face à elle et croise ses bras entre les longs pans de tissus qui le couvrent.
"Il y a plusieurs siècles, Seri a offert aux Hommes le Don de manipuler la toile arcanique.
Lorsque la guerre a éclaté entre Niril et Elle, Seri a cherché à protéger ses Fils de la Relève.
Pour empêcher à un Humain de revenir du côté de Niril, il 'suffisait' d'apposer à son cadavre un symbole particulier. Et pendant les guerres, ceux qui manipulaient la magie scellaient les corps fraichement tombés au sol, rééquilibrant les 'chances' pendant un combat contre les armées de Morts.
Niril l'Injuste a été pris à son propre jeu et a, une fois de plus, contré la règle Divine pour s'approprier le Don de Seri. Il est apparu devant le Premier Mage que la terre est connue et l'a écrasé. Il s'est approprié son âme trop curieuse et en a fait le Premier des Nécromants...
Sirgul est le plus ancien et le plus puissant. Par sa seul présence il rend caduque la Protection de Seri sur les Hommes.
Son plan est d'éradiquer la vie Humaine en commençant par le Nord et en s'appropriant ensuite le Sud.
On imagine bien qu'à la longue, il compte étendre son pouvoir de Relève aux autres races... Mais cette capacité dépend du Divin."
Son regard cille lourdement et ses bras se décroisent pour venir soutenir ses mains contre ses hanches.

La situation dans les terres humaines du Nord semblait désastreuse. La race humaine toute entière était menacée d'extinction par un adorateur de Niril. Le plan d'éradication du Nécromant était un problème sérieux qu'il fallait contrer au plus vite. Cependant, ce problème concernait la population humaine du Nord. Ysmène était une humaine, mais elle avait passé presque toute son existence dans les Domaines Endormis. Son monde s'était toujours arrêté à ces endroits. Par conséquent, elle n'avait eu, jusqu'à ce moment-là, aucune raison de s'intéresser à ce qu'il pouvait se passer ailleurs, sur des terres étrangères.

"Je viens des Domaines Endormis. Je n'ai jamais mis les pieds chez les Humains du Nord ou du Sud." affirma-t-elle pour Fordred. "Votre situation semble critique."

La paladin avait beau appartenir à la même race que lui, elle ne se sentait pas concerné par le conflit qui touchait les Hommes du Nord, car elle appartenait à son seigneur et aux terres nocturnes. En ce qui concernait la captive, l'accélération de la dégénérescence de la déviante paraissait être une tâche compliquée et malsaine. Ysmène n'était pas motivé à l'idée de torturer, mais elle était capable de passer outre son manque de motivation pour satisfaire son maître. Si la violence était nécessaire pour accélérer le processus, elle n'aurait pas d'autres que d'y avoir recours pour permettre au Premier-né de commencer ses expérimentations le plus tôt possible.

"Si vous le souhaitez, seigneur Zah'a, je peux me charger de l'accélération du processus. Qu'attendez-vous de moi ?" dit-elle avec conviction.

Retenant ses hanches des mains, Zah'a fixe toute son attention sur Fordred, puis sur Ysmène. Les deux humains échangent sans grande implication l'un envers l'autre... tout au plus, la répartie concerne le savoir que l'un détient et que l'autre n'a pas.
Zah'a fait mine d'inspirer profondément, se préparant à une longue explication -devenue sa spécialité et visiblement son 'petit' plaisir -même Andraal en grince-.
Mais elle aura probablement l'efficacité de résumer 'ce problème qui concernera le monde plus vaste et qui semble occuper de manière plus importante les esprits des deux humains devant lui.

"Reprenons." Son regard se fixe sur un horizon haut.
"Les Terres Rouges. Celles qui englobent les territoires Nocturnes et Morts. Elles ont toujours été infestées par ces deux races.
Donc.
Depuis la 'protection de Seri', les Morts humains 'scellés' ne se relevaient pas hors des Frontières.
Depuis la disparition des Dieux, les Morts de tous types restaient cantonnés aux Terres Rouges. La 'protection de Seri' n'avait donc plus lieu d'être  chez les Hommes -sauf par prévention et tradition. Sachant que ! La tradition a pris un très sale coup au grand soulèvement du Nord contre la Religion Serienne en l'an 12."
Papillonnant en rabaissant les yeux sur le sol il reprend :
"Et quoi qu'il en soit. Depuis le retour de Sirgull, les Humains et seulement eux, se relèvent hors des Terres Rouges. La protection de Seri n'est plus efficace ; et ça aggrave le bilan.

Au pied de nos Domaines, nous avons toujours vu des champs de cryptes et de nécropoles plus ou moins grouillants."
Il lève machinalement son attention sur Ysmène, probablement témointe de ces scènes depuis une fenêtre d'un Domaine, ou des hauteurs d'un rempart.
"Les Morts nous laissent tranquille depuis quelques siècles. Ils forment désormais une sorte de rempart naturel à toute armée belliqueuse sur nos Terres.
On était déjà Imprenable, là, ça dépasse l'entendement.
Les seuls évènement notables dans ces plaines morbides, ce sont les mouvements de fidèles et de Protecteurs du Sang. Ou des quelques rares pilleurs de tombe attirés par de grands dangers signifiant 'richesses de taille équivalente'.

Depuis la 'réunion 'exceptionnelle' à laquelle tu as assisté, Fordred..." Zah'a le désigne d'un mouvement rapide de la main, en bloquant à nouveau ses yeux au sol. "La menace 'Sirgull' est devenue un fait tangible. Et tu auras constaté, comme Ysmène en est l'exemple, que les affaires des Hommes sur leurs terres sont bien loin de nos considérations.
Les Domaines sont des 'monde' fermés. Les Nocturnes y vivent en autarcie et ils ne se préoccupent pas du reste du monde.
Les sort des Hommes libres. Lovyr a lancé sa pierre dans la marre."
Zah'a prend un 'faux air' sérieux et autoritaire, forçant le ton de sa voix vers les basses :
"-Tant que leur sang reste bon et qu'ils ne sont finalement pas en voie d'extinction ?-
Herm. Tu as vu comme moi mes Frères soupirer quelques lassitudes envers 'cette' gène occasionnée. Ce problème qui 'pourraient' avoir de facheuses conséquences... Surtout si le Premier Nécromant devait asseoir -par la suite- une quelconque forme d'autorité sur les autres races.

Imaginons.
Sirgull arrive à éradiquer l'humanité. Il en fait une gigantesque armée venant renforcée les Morts des Terres Rouges du Nord et du Sud. Va-t-il s'en contenter ?
Le Dieu Niril s'accaparait toutes les races. Et ses pions ont toujours eu pour but de récupérer ces 'déchets' matériels épuisés et que l'âme a quitté.
Pourquoi Sirgull se satisferait-il d'une victoire sur les Hommes, alors qu'il prône la suprématie de la Mort sur le Vie. Que chaque mort est du ressort de son Maître et qu'il 'doit' en avoir le contrôle ?"
Dans un levé de sourcil, Zah'a dévisage les deux humains à tour de rôle, pinçant ses lèvres d'un air désabusé.
"Que compte faire Lovyr ? Mon cher et grand Seigneur Frère du Nord ?
J'n'en ai foutrement aucune idée.
Tout ce que je sais, c'est qu'actuellement il torture mon Frère d'âme..." Tout en tenant une main sur sa hanche, il désigne une direction d'un bras tendu, comme s'il s'agissait du Nord :
"... qu'il bafoue un principe fondamental du Père en séquestrant l'un des nôtres pour faire respecter ce même principe fondamental !

Alors ce qu'il va faire contre les Morts, personnellement je m'en moque. Moi, ce qui me concerne, c'est de résoudre la menace des Sang-Noirs pour sortir mon Frère d'âme de son tourment."
Ses yeux ronds se plantent sur Fordred avec insistance :
"Si toi... Ou Ysmène. Vous voulez aller voir ce qu'Il compte faire, allez-y !"
Lance-t-il avec une once d'agressivité, lançant son bras dans leur direction comme l'on jette un mouchoir à son adversaire.
"... Sauvez l'humanité puisque sa sauvegarde nous maintiendra dans notre splendeur de demi-dieu.
Sauvez l'humanité pendant que je sauve mon Frère.
Je me débrouillerai ici seul, ça c'est ma volonté depuis toujours."
Dira-t-il en pivotant sur un pied, prêt à s'éloigner.

Les révélations de Zah'a éclaircirent quelques interrogations de la protectrice. Elle savait, de part ses connaissances des Morts, que ces derniers avaient toujours été incapables de quitter des zones précises du monde sans perdre l'énergie qui les anime. Les créatures de Niril, qui n'avaient jamais posé de problème jusqu'à ce jour-là, ne menaçaient pas que l'humanité, mais tous les vivants de Galgals. Ysmène avait bien été naïve pour le coup pour avoir pensé que le problème de ses semblables ne la concernait pas.

La défaite des Hommes du Nord était inenvisageable. Pourtant, la paladin considérait sa place aux côtés de son maître. Même si le monde était en train de connaître ses derniers jours, peu lui importait. L'attitude agressive du Sang Pur inquiéta l'humaine. Ses mots avaient beau être durs, il semblait avoir besoin de leur aide. Le sort de son Frère avait l'air de vraiment le préoccuper. Très soucieuse du bien-être du Nocturne, Ysmène tendit la main dans sa direction comme pour le rattraper et lui dire que jamais elle ne l'abandonnerait.

L'intervention de Fordred étonna la combattante. Cet homme paraissait vraiment déterminé à participer à la dégénérescence de la déviante. N'ayant pas de questions supplémentaires à poser, Ysmène attendit les réponses de Zah'a aux questions du balafré.

Le mouvement 'interrompu' d'Ysmène dans sa direction ne l'arrête pas. Zah'a a accepté cette femme à son côté comme une obligation, un élément imposé par ses Frères pour protéger les 'Intérêts' de tous. La mort d'un Sang-pur, quoi qu'il eut pu faire ? n'est pas souhaitable. L'absence du Père a du niveler les querelles et forcer au 'sommeil' afin de préserver les restants. Les survivants.
La paladin fait partie de son paysage depuis peu de temps, en comparaison de sa vie toute entière. Zah'a ne s'en est pas plus préoccupé mais il saurait reconnaitre qu'elle a la foi indéfectible. Il l'ignore, il l'oubli, il la laisse... mais elle se tient à sa mission.
Les Protecteurs du Sang sont bien choisis, bien formés. Rien ne les écarterait de ce pour quoi ils ont été forgé. Et, même à cet instant, tandis que Zah'a agit sans merci en la congédiant pour sauver ceux de sa 'race', elle ne baisse pas les épaules.
Si ce n'est sa main qui le retient, ce seront les mots du mage à son flanc. Zah'a stoppe son mouvement et pivote légèrement pour lancer un œil par dessus son épaule. Dévisageant l'humain fixement, il fini par radoucir son regard pour le perdre dans une pensée, le levant vers un vide en tirant un rapide rictus vers le bas :
"Hum. J'imagine qu'en deux jours le premier stade de la dégénérescence peut être atteint." Il abaissera le menton, le cachant derrière son poing pour finalement faire face à ceux deux humains. Ses iris clairs se perdent sur le sol tandis qu'il réfléchi :
"Mais il ne faut pas précipiter les choses." Souffle-t-il d'une voix ténue.
"Bien. Voici une nouvelle proposition :
Si la jeune Sang-noire ne peut pourrir assez vite dans un cachot, prenez là avec vous. Le lien qui l'attache est une 'Chaîne de Domination'. Tant qu'elle l'a sur elle elle ne pourra qu’obéir à vos ordres. Retirez-la et elle saura prendre des décisions... Ce qui amènera à sa chute un peu plus vite.
Les Sang-noirs dégénèrent lorsqu'ils tuent, lorsqu'ils décident seul ou qu'ils sont isolés.
Son état se dégrade en ce moment mais le processus est lent. En la gardant ici seule dans sa cage, elle perdra chaque jour un peu plus de santé mentale. Mais le temps de l'humanité est compté."
Son regard vire de Fordred a Ysmène puis en retourne sur le Mage. Après un semblant de profonde inspiration il reprend :
"Je vous laisserai l’emmener s'il le faut avec vous mais si vous me la perdrez ou que vous me la tuez... alors il faudra aller me trouver un Sang-noir qui m'appartenait... Là je vous souhaite bien du courage pour trouver telle créature."
Hasardeusement, son regard biaise sur la brume de Lio, qui fige lentement la tourmente de ses volutes noires.
"Nan mais qui parle de quitter cet endroit !?"
Tonne une voix raisonnante depuis les hauteurs sombres de la tour.
"Ou es-tu..."
"Béh-hé ! J'ai trouvé le garde mangé."
"Orfff-..." Le Sang-pur roule des yeux et chasse l'air de sa main.
"Manger, se reposer...Du temps perdu qui nous en fait perdre le double si nous ne le prenons pas." Soupire Zah'a.
"Vous devriez monter par là." Il indique l'un des escaliers tourbillonnant sur les contours de la tour et ajoute : "Mangez, discutez, prenez du repos. L'aube ne va pas tarder à se lever dehors, vous ne pouvez pas veiller et garder l'esprit clair après ces énigmes et ces errances.
Je vais aller méditer et me trouver un quartier moins délabré que les autres..."
"Bohé les grouillots ! Y'a du vin et d'la chair..."
Résonne à nouveau la voix dans les hauteurs.

Si Fordred et Ysmène décident de rester là ils n'auront pas grand chose d'autre à faire que de parler ? De fouiller ? L'un d'eux pourrait bien suivre Zah'a mais il y a des chances pour que le Nocturne réitère son vœux de repos et de sustentation ? Il reste donc la solution de monter à l'escalier, pour qui veut.

Les marches de pierres suivent la courbe de la tour et desservent plusieurs paliers. La première porte rencontrée luit d'une clarté orangée, rappelant celle d'un bon feu de cheminée.
La salle qui se dévoilerait alors à tout d'une pièce commune dédiée aux repas. Et d'ailleurs, ce qui frappera en premier celui qui entre, ce sera cette vision d'une montagne de nourriture sortie de nulle part, étincelante de graisse et de sucre, un véritable repas de roi... Et qui se tien là, assit parmi les places disponibles ? Le blond et sa large stature, avachi comme le dernier des 'nobles' devant une assiette débordante de viandes variées.
"J'voulais vous prév'nir pis vous discutiez, alors j'me suis dis qu'ça attendrai... Jusqu'à c'que vous causiez de 'sortir'." Rit-il la gueule pleine et enfarinée. Il lèvera une coupe argentée dans la direction de celui, celle ou ceux qui l'ont rejoint, et boira une lampée de vin qui ruissellera comme le sang sur son menton gras.

Alors soit... Ce lieu est étrange et cette pièce l'est tout autant. Elle ressemble à une vaste salle de château avec son plafond lardé de poutres parallèles, sa large cheminée dans le fond et ses tentures noires aux murs. Mais il n'y a pas une fenêtre, pas une ouverture.
D'où vient cette nourriture ? Si ce n'est pas une illusion, qu'elle ne se transforme pas en cendre dans la bouche, il s'agit probablement d'un sort... Les Hommes et les Créatures qui œuvraient ici, ne pouvaient pas espérer travailler des années, des siècles durant, sans quelques aides magiques ? La tour cache ses secrets et ses nouveaux habitants n'en ont pas fait le tour.

Fordred avait réussi là où Ysmène avait échoué. Il était parvenu à retenir Zah'a. La paladin avait pris l'habitude de ne jamais remettre en question son seigneur, mais elle avait le sentiment qu'elle aurait dû exprimer son opinion, insister sur sa volonté de lui venir en aide. Elle n'avait que faire du sort des humains, elle aurait le lui dire. Seul son maître comptait. Mais elle avait peur que son zèle froisse le Sang Pur et que ce dernier décide alors de l'abandonner une seconde fois.

La protectrice observa pendant un court instant Lio avec une pointe d'envie. Il occupait un rôle de gardien dont elle rêvait tant. Elle mordait d'envie de prouver sa valeur au Premier-né, mais il avait déjà un protecteur, quelqu'un qu'il semblait aimer et connaître depuis des années déjà. A moins que Lio disparaisse, jamais Ysmène ne pourra le remplacer. Cependant, une opportunité s'était présentée à elle, un moyen de démontrer son utilité. Elle devait réussir à faire dégénérer la Nocturne puis a la ramener ici, quoi qu'il arrive.

"Je vous promets de vous la ramener en vie et prête pour vos expérimentations." déclara-elle avec conviction.

La voix peu agréable de Klotar résonna tout d'un coup dans la tour. Ce type avait trouvé le garde-manger. Parfait. Ysmène ne pouvait pas dire non contre un peu de repos. Toutefois, la présence des humains ne l'enchantait pas du tout. L'un ne lui inspirait pas confiance et elle avait eu une petite altercation avec l'autre. Pourtant, elle choisit de monter. Rien ne l'obligeait de discuter avec eux. Manger était tout ce qui l'intéressait.

Elle prit place loin de ses deux camarades et commença à se servir en boisson et en nourriture avant que le regard insistant de Fordred attire son attention. Ysmène fronça des sourcils et ses yeux s'assombrirent.

"Quel est ton problème, Fordred ? La provocation est une seconde nature chez toi ?"

Bon gré mal gré, le duo montra les escaliers. Si ce n'est pas la compagnie de Klotar qu'ils espèrent, se sera la perspective d'un bon repas et d'un repos bien mérité ? Le sol de la tour n'est dédié qu'aux expériences, ses sous-sols aux geôles et à l'isolement. Les étages ne seraient donc que chambres et salles communes ?

Rejoignant la grande table Fordred s'installe au flanc de Klotar, tandis qu'Ysmène se tient éloignée des deux hommes. Le blond trinque d'un sourire grimaçant en coin avant de rassembler ses lèvres et de pincer le regard à la remarque de la paladin.
"Houuu~"
De la provocation ? Une seconde nature ?
Klotar enfonce son dos dans son fauteuil, levant son verre pour en boire le contenu et masquer son nouveau rictus.

Quoi que désirent manger les 'invités', ils le trouveront sur la grande tablée... Pains, viandes, fruits, légumes variées, vin, bière, eau... Il suffirait presque d'y penser en le cherchant pour qu'il se dévoile au regard.
"Dommage que Zah'a ne sache pas apprécier ce genre de repas. Les Sang-pur sont bien à plaindre !" Raille-t-il avant d'ajouter "Comme son ombre d'ailleurs... On se demande bien à quoi elle sert à par grincer et faire de la lumière !"