Carnet d'un Colibri

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À nous-mêmes et nous seuls qui lirons ces pages,

Ces notes sont un mémoire, une confidence, pour que les mots restent où les pensées dansent, s'envolent légères comme les plumes d'un oiseau minuscule.

Les pensées fusent, le savoir coule, comme la capricieuse étreinte d'un poison qui s'enroule, insidieux, dans les veines, par le sang, jusqu'aux arcanes du corps humain ; comme la douceur d'une potion sur la langue, la caresse d'un onguent sur la peau fébrile.

Les pensées d'un comme il en viendra d'autres, tant d'autres dans la Volière, l'échiquier de Notre Grande Partie.

- le Colibri -

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LAME EMPOISONNÉE

Un contrat bien exécuté est un contrat qui commence bien : bien préparé. N'importe quelle poinçon, n'importe quelle lame peut être enduite de poison, mais qu'il s'écoule dans le sang ou imprègne la peau, le poison obéit à une règle invariable : son efficacité dépend de la surface de contact. Un moyen de multiplier celle-ci et d'augmenter la quantité de poison inoculée par l'arme est d'y creuser des encoches permettant une rétention de poison plus importante, en plus d'augmenter la surface de contact en cas de coup porté.

De telles encoches ne sont pas tout à fait sans conséquence pour la lame : rendue plus légère et surtout moins résiliente, bien qu'une encoche dans la longueur tend même à favoriser la pénétration de la lame.

Les éraflures sur une arme ne constituent pas des "encoches" suffisamment profondes pour être significatives : un poison dont une quantité supplémentaire aussi infime ferait une différence serait un poison si virulent qu'une faible dose serait suffisante quoiqu'il en soit.

LIANT

Un liant gras, d'origine animale comme végétale, souvent composite, peut être ajouté au mélange toxique comme base pour faciliter son application sur une lame ou un poinçon. Les corps gras employés ne doivent pas altérer ni amoindrir les agents toxiques ; on exclura donc tout potentiel catalyseur. En outre, une haute concentration du mélange toxique est nécessaire pour faciliter le mélange dans la mesure où les corps gras rejetteront par phasage les liquides.

Une méthode courante mais néanmoins plus complexe à maîtriser comme à l'emploi consiste à transporter un liant séparément afin de procéder au mélange directement avant enduit : le poison est versé directement dans le liant dont la lame est immédiatement enduite.

La formule actuelle permet une absorption suffisante pour une adhésion par dissolution et rétention successive des principes toxiques en surface du liant : le poison conserve ainsi son efficacité de contact. L'inconvénient de la formule tient de sa difficulté de préparation et de sa rapide oxydation : exposé à l'air, il devient rapidement inutilisable, en plus de l'encombrement qu'il représente pour son transport à part. Cette technique ne devrait donc être employée de façon optimale qu'une seule fois par jour.

- le Colibri -

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Un pas de côté
Dansent les flammes
Manteau d'obscurité
La victoire se dévoile
À l'ombre du secret
À l'aune d'un été
Dans le silence glacé
Où le cœur renonce
Jusqu'à la prochaine lune

VOL D'HIRONDELLE

Aconit napel : une des plantes les plus mortelles du règne végétal. Même les animaux savent s'en méfier. Même les loups fuient les endroits où elle pousse. Est-ce l'instinct qui les y pousse face à l'essence même de la mort liquide qui coule dans la sève, le long des tiges graciles ? Ou est-ce de craindre de dévorer la mort dans le corps d'un agneau imprudent ?

Ironique qu'une telle plante, tout aussi mortelle pour l'homme, se révèle encore fatale pour l'homme changé en monstre, comme une malédiction ; mais qui poursuit-elle, l'Homme ou la Bête ? Ce sont les bêtes qui ont, dans leur être primitif encore mué par trop d'instinct, le réflexe répulsif, à moins que ce ne soit un état viscéralement incontrôlable qui leur dicte un tel rejet physique de l'aconit. La réponse est plutôt à chercher du côté de la Bête, peut-être, car une préparation particulière de l'aconit sous forme d'onguent empêche l'Homme-Bête de se transformer ; à moins que l'aconit n'ait pas fini de nous révéler tous ses secrets...

Quoiqu'il en soit, l'essence d'aconit, correctement distillée, tient à distance Nocturnes, Hybrides et Ombres.
(N'est-ce pas la preuve qu'à l'instar de l'Hybride, le Nocturne tient plus de la bête que de l'humain ? Quant aux Ombres, il est probable qu'en elles s'expriment, de par leur nature, l'instinct primaire et primordial de l'état sauvage originel.)

Le 'Vol d'Hirondelle' - annonciateur du recul de la saison froide et des longues nuits - s'obtient de la façon suivante :
- L'aconit est idéalement cueillie en bourgeonnement, où elle produit ses toxines en grande quantité pour décourager sa consommation.
- La plante toute entière est toxique et peut être broyée dans un mortier pour en récupérer le suc.
- L'ensemble sera porté à ébullition avec un peu d'eau : c'est la quantité d'eau et le contrôle du processus d'évaporation qui détermineront la concentration finale de l'essence obtenue, selon qu'elle soit destinée à repousser Hybrides, Nocturnes ou Ombres.
- L'eau permet de préserver, durant l'ébullition, le macérât, octroyant le temps nécessaire à haute température pour l'extraction des principes actifs restants.
- Les corps gras contenant l'agent toxique s'évaporent moins vite que l'eau, ce qui permet, en réduisant progressivement la puissance du feu de cuisson, d'obtenir l'essence finale.

Une plante permet de récupérer suffisamment d'essence pour environ 10 utilisations, dans la mesure où une ou deux gouttes du produit suffisent à produire un effet répulsif violent et immédiat : il s'agirait vraisemblablement du pouvoir de l'odeur de l'essence. Contiendrait-elle un élément produisant un tel effet physique ou faut-il y voir, comme suggéré plus haut, une réaction bestiale, primordiale, instinctive ?

Peut-être que la réponse tient des deux, puisque la pommade d'aconit nécessite une application et donc une absorption du produit par l'organisme pour empêcher la transformation des Hybrides.

- le Colibri -

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Voile de lumière
Ombre des yeux
Tout s'éclaire
Blancheur immaculée
Perle de velours
Une goutte de miel
Sommeil éternel
Volupté en plein jour

MARCHAND DE SABLE

La valériane est connue depuis la nuit des temps pour son pouvoir d'accorder le repos du guerrier, le sommeil en plein jour, le soleil en pleine nuit : le suc dont le rhizome est gorgé est un puissant narcotique qui fait taire les pires angoisses. Catalysé et à haute dose, il fait sombrer presque instantanément qui le boit dans une profonde torpeur léthargique.

Portée à ébullition, la chair de la racine se réduit et laisse échapper dans l'eau son jus somnifère et la cuisson à feu moyen est juste suffisante pour réduire le suc à son tour, augmentant la concentration de l'agent narcotique dans le breuvage, mais une cuisson prolongée réduit rapidement cette concentration par évaporation.

Broyer la racine pour l'extraction n'est pas recommandé car une grande quantité de suc peut rester piégé de la chair qui se change en macérât durant le procédé et absorbe de nouveau une partie des principes actifs dans les chairs ; une ébullition directe du suc diminue grandement l'efficacité du produit. Pour les mêmes raisons, il faut enlever la racine de l'eau bouillante au juste moment ; ni trop tôt, ni trop tard.

La qualité volatile du produit contraint son usage sous forme de breuvage : l'eau chaude contenant le principe doit rapidement être mise en fiole pour conserver les propriétés narcotiques puissantes. De fait, le produit doit être ingéré pour opérer ; ou passer directement dans le sang, par inoculation dans une entaille par exemple.

Même à haute concentration, appliquée directement sur la peau après extraction, la substance n'agit pas, tandis qu'à des concentrations plus faibles, elle facilite le sommeil, voire rend légèrement somnolant si avalée : ces observations laissent penser que l'agent narcotique n'agit pas dans le système musculaire (cœur inclus) ni même dans le circuit sanguin courant mais plutôt dans le circuit profond, notamment sur les liaisons entre le corps et le cerveau.

- le Colibri -